Recherche sur le sens des pupilles des yeux dessinés sur les 78 lames du
Tarot de Marseille et sur le sens des lunettes placées sur les 22 couvertures
des albums en couleurs des aventures de Tintin.
Cicéron distinguait la divination "naturelle" de la divination "artificielle". Dans
la divination naturelle, le devin développe en lui-même, par son regard, les
pouvoirs de la voyance. Dans la divination artificielle, ce sont aux objets du
devin de voir pour lui-même. Telle est la situation d'une divination que j'ai
étudiée chez les Bambara du Mali, le devin, le flèlikèla [ Litt. du Bambara,
"celui" (la) qui "fait" (kè) "voir" (flèli)" ] est un spécialiste qui "fait voir
(flèlikè) par le biais des petites figures qu'il trace sur le sable (les
" tinyèdenw", les "enfants (denw) de la vérité" (tinyè))". Il ne voit pas par
lui-même, il fait voir grâce à ses figures divinatoires qui voient pour lui.
L'intérêt de la "voyance artificielle", c'est-à-dire d'une technique qui "fait
voir" par le biais des objets du devin (figures, cartes, fétiches,...) est
d'éviter au devin le coût anthropologique de la voyance: la cécité, la mort
des yeux de ce monde (celui des hommes) pour la naissance du voir dans
l'autre monde (celui des Dieux). Tirésias devint aveugle pour avoir vu la
nudité d'une déesse . En ayant fait passer ses yeux du monde des hommes
au monde des vérités éternelles, il devait subir une transformation essentielle
de sa personne qui lui coûta la vue.
Pour vérifier cette hypothèse propre à l’imaginaire théorique des devins, nous
étudierons le statut de l'inscription des yeux et de leurs pupilles dans les
différentes lames du Tarot de Marseille des Editions Grimaud (1748-1930).
La cartomancie ne vient-elle pas enfermer dans les yeux ouverts de ses
2
personnages les yeux de la voyance, c'est-à-dire ces yeux qu'il faut mettre
dans les objets graphiques du devin afin que les yeux humains de ce dernier
puissent "aller voir" dans le monde des fictions éternelles, sans y perdre la
vue ? Comment se fait, en particulier, la distribution des yeux ouverts
dessinés dans l'espace pictural de cette cartomancie "claire dans ses traits"?
Combien y-a-t-il de pupilles ouvertes enfermées dans les lames du tarot de
Marseille afin de permettre aux yeux des lames de voir dans l'espace des
fictions éternelles pour le devin lui-même? Nous ferons cette recherche sur
les 78 Lames du Tarot de Marseille (1930), et puis sur les 22 couvertures de
Hergé Casterman (1976) dans la mesure où ces dernières détiennent,
comme nous l'avons vu ailleurs(2), un bien étrange savoir.
Première partie
Les lames aux yeux du Tarot de Marseille Grimaud (1748-1930)
Il y a 39 lames sur lesquelles se trouve dessiné UN (ou PLUSIEURS) "oeil" à
pupille visible. Ce sont les 36 lames qui portent une PLAGE NOM, et les 3
lames sans plage nom suivantes : la lame XIII ( La seule lame qui a une plage
Nombre sans plage NOM), le VALET de DENIERS (La seule lame qui porte
un nom inscrit sans plage NOM) et le 2 DE COUPE sur laquelle se trouvent
deux dauphins (La seule lame à yeux qui dispose d'une plage rouge géante ).
Le décompte des yeux sur les lames du tarot :
Nous utiliserons un compte incontestable qui ne fait pas appel aux
"associations libres" plus ou moins recherchées selon les auteurs.
[Nous présentons ce décompte ici sous la forme d'une liste
simple que l'on peut vérifier sur les lames du tarot. Dans le cadre
d'un autre texte, plus curieux et plus agréable, une telle liste sera
accompagnée de reproductions et de '' gros plans '' présentant
les lames et désignant le regard des personnages]
Sur le Tarot de Grimaud, il y a 129 yeux :
DEUX lames "profil" à 1 oeil: 2 yeux
Reyne de Deniers + Valet de Bâton
Recherche à VOIR : Editions GRIMAUD Les deux lames mineures à un oeil
Tarot de Marseille(3), Grimaud 1930
3
Parmi les seize figures mineures(4) qui mettent en scène un grand personnage
(les 4 rois, les 4 reines, les 4 cavaliers et les 4 valets), il y a huit figures qui
regardent majoritairement à gauche et huit figures qui regardent
majoritairement à droite. Dans chacun de ces groupes de huit figures, il n’y a
qu’un grand personnage de profil : la Reyne de Deniers et le Valet de Bâton.
La Reyne de Deniers aux cheveux de couleur bleue regarde à gauche. La
Valet de Bâton aux cheveux de couleur chair regarde à droite.
VINGT lames à 2 yeux: 40 yeux
10 lames majeures [Les lames majeures sont les lames qui ont une "plage
nombre" placée en haut de la carte] : Les lames 1, 2, 4, 5, 8, 9, 12, 14, 16,
17.
Recherche à VOIR : Editions GRIMAUD La lame « L’Empereur »
Exemple de lame à deux yeux
(l’œil gauche de l’Empereur et l’œil gauche du Phénix)
Tarot de Marseille, Grimaud 1930
1 lame mineure " nombre": 2 coupe : les 2 yeux des dauphins.
Recherche à VOIR : Editions GRIMAUD Le géant de Deniers,
La lame « VALET• DE• DENIERS »
La seule lame mineure à grand personnage
qui ne dispose pas de plage nom. C’est une lame à 2 yeux(5).
DEUX lames à 3 yeux:: 6 yeux
2 lames majeures : l'Impératrice; le Mat .
SIX lames à 4 yeux:: 24 yeux
2 majeures : la lame XVIII : L'oeil gauche de la Lune, l'oeil des deux chiens et
l'oeil droit du dromadaire, en bas sur le sable; la lame XI : Les deux yeux de la
femme, l'oeil droit du Lion dévorateur couleur OR (solaire) et l'oeil gauche du
Lapin (lunaire)logé caché dans sa toison; 4 mineures : Roy Epée , Cavalier
Coupe, Cavalier Bâton, cavalier Deniers.
Recherche à VOIR : Editions GRIMAUD
Les deux lames « La FORCE » et « LA•LUNE »
4
La succession du jeu des graveurs a fait paraître deux figures surnuméraires
dans le signifiant des deux lames majeures LA FORCE et LA LUNE . Dans
l’espace de La Force surgit la figurine vue de profil du lapin (image de la lune)
à l’œil gauche logé dans le ventre dévorateur du lion à l’œil droit (solaire). Le
grand personnage de la Force qui dispose d’un orteil surnuméraire (pour
augmenter la résistance de son point d’appui), cherche à ouvrir la gueule du
Lion aux « Poissons » pour faire vomir le soleil [une drogue vomitive désignée
sous la forme d’une petite pilule noire tenue dans la main gauche] et sortir
vivant de sa gueule le lapin de la lune. Dans l’espace de l’autre lame majeure,
La Lune, une autre figure surnuméraire apparaît dans le sable, en bas à droite
de la lame, le dromadaire à l’œil droit et à l’oreille jaune (une prudente
réserve d’eau à emporter dans un désert)(6).
TROIS lames à 5 yeux : 15 yeux: 15 yeux
2 majeures : X et XIII ; 1 mineure : Cavalier Epée
TROIS lames à 6 yeux :: 18 yeux
3 majeures : XV, XX, XVIIII
UNE lame à 7 yeux : L'Amoureux: 7 yeux
UNE lame à 8 yeux : Le Chariot: 8 yeux
UNE lame à 9 yeux : Le Monde: 9 yeux
Recherche à VOIR : Editions GRIMAUD La lame « LE•MONDE»
Lame majeure à 9 yeux placés à l'intérieur de 6 têtes (7)
Total des yeux Grimaud (1930) : 129 yeux
Il y a 129 yeux (à la pupille dessinée visible) et répartis sur 39 lames du
Tarot.
Le décompte des yeux sur les 22 couvertures des Albums de
TINTIN d'HERGE CASTERMAN (1976)
Comme pour le Tarot, nous ne comptons que les yeux visibles. A ce sujet,
remarquons que le traitement graphique d'Hergé des yeux de Haddock est
différent des autres personnages : un petit cercle chez Haddock, un point
noir chez Tintin, Milou, etc. Les yeux des 6 LOGOS aux 24 yeux (6 fois 2
Tintin et 6 fois 2 Milou) ne seront pas comptés puisque ce sont des yeux qui
viennent nous demander notre regard de lecteur et non des yeux qui
viennent "voir pour nous" dans l'espace du récit des Aventures de Tintin.
5
[Un texte plus littéraire, plus curieux, plus érudit et plus amusant
avec reproductions et "gros plans", décrira les personnages
d'Hergé et leurs regards. Nous ne fournissons ici qu'une liste que
l'on peut vérifier sur les couvertures d'Hergé Casterman (1976)]
(1)TINTIN AU CONGO: 8 yeux
(2 yeux de la girafe(8) + 2 yeux de Coco + 2 Tintin + 2 Milou)
Recherche à VOIR : Editions CASTERMAN La couverture de l'album " Tintin au Congo "
Editions Casterman 1962
Exemple de couverture à huit yeux
[l’œil gauche et l’œil droit de la girafe ; l’œil gauche et l’œil droit de Coco, le
petit congolais ; l’œil gauche et l’œil droit de Tintin ; l’œil gauche et l’œil
droit de Milou ]
(2) TINTIN EN AMERIQUE : 10 yeux
(4 indiens assis + 2 Sachem + 2 Tintin + 2 Milou)
(3) LES CIGARES DU PHARAON : 20 yeux
( 2 Tintin + 2 Milou + 1O SARCOPHAGES + 3 Egyptiens sur la fresque + 1
"oeil" sur la grande colonne au-dessus de la tête du "grand égyptien"+ 2
"oeil" dans le texte égyptien ) [Ces yeux sont "certains". Par contre, le petit
ovoïde entourant un point près d'un cheval en haut et à droite de
l'inscription "-Hergé-" n'est pas plus un oeil que l'ovoïde entourant un point
sur le menton du Mat du Tarot de Marseille. Nous ne comptons ni l'un ni
l'autre].
(9) L'ETOILE MYSTERIEUSE: 4 yeux
( 2 Tintin + 2 Milou)
(10) LE SECRET DE LA LICORNE: 9 yeux
(2 Haddock + 2 François de Haddoque + 1 Licorne (l'oeil droit)
+ 2 Tintin + 2 Milou )
(11) LE TRESOR DE RACKHAM LE ROUGE: 11 yeux
(2 Tintin+ 2 Milou + 2 Poisson rouge + 4 Poisson bleu
+ 1 Requin)
(12) LES 7 BOULES DE CRISTAL: 10 yeux
(2 Haddock + 2 Tournesol + 2 Milou + 2 Tintin + 2 Diable jaune)
Les 2 yeux du Diable jaune: Ce sont les deux yeux d'un personnage noir sur
fond bleu, au visage jaune, au bonnet phrygien (qui ressemble au puisatier
des aventures de Philémon de Fred). Il est difficile à voir dans la mesure où il
faut renverser la couverture de l'album. Il est dessiné sur la page droite d'un
livre jaune ouvert tombé sur le sol près du pied droit du capitaine Haddock
dans la maison du Professeur BERGAMOTTE. On peut croire qu'il s'agit de la
reproduction graphique d'une photo. Le Diable jaune n'est pas visible sur les
Cartes des couvertures d'Hergé qui réduisent trop.
Recherche à VOIR : Editions CASTERMAN La coverture de l'album "Les 7 boules de Cristal".
Editions CASTERMAN 1963
CI-DESSOUS
Détail de la couverture
Le livre près du pied du capitaine Haddock
7
Le diable jaune Les 7 boules de Cristal
[Agrandissement du Livre près du pied de Haddock ] Editions Casterman 1948
(13) LE TEMPLE DU SOLEIL: 6 yeux
( 2 Tintin + 4 momies)
(14) TINTIN AU PAYS DE L'OR NOIR: 8 yeux
(2 Professeur Smith , alias Docteur Müller + 4 Dupondt
+ 2 Tintin + O Milou ferme les yeux)
(15) OBJECTIF LUNE: 3 yeux
(1 Tournesol (l'oeil droit) + 2 Milou )
(16) ON A MARCHE SUR LA LUNE: 1 oeil
(1 Milou (l'oeil gauche) )
(17) L'AFFAIRE TOURNESOL: 4 yeux
( 1 militaire + 1 militaire + 2 militaire + 0 Tournesol ferme les yeux)
(18) COKE EN STOCK: 7 yeux
(2 Haddock + 1 Szut + 2 Tintin + 2 Milou)
(19) TINTIN AU TIBET: 4 yeux
(2 Tintin + 2 Tharkey)
(20) LES BIJOUX DE LA CASTAFIORE: 12 yeux
(2 Gino + 2 Haddock + 2 Tintin + 0 Castafiore + 2 Wagner
+ 2 Milou + 2 Chat)
8
La couverture de l'album « LES BIJOUX DE LA CASTAFIORE »
Editions Casterman 1964
Selon son habitude, la Castafiore ne montre pas ses yeux, mais seulement
ses paupières bleues fermées. Il y a, par contre, un vrai problème au sujet du
statut de l'oeil gauche d'Igor Wagner. On pourrait croire, à l'échelle des très
grandes affiches d' Hergé Casterman/ Escale 87, que la tache au coin de
l'oeil gauche de Wagner n'est pas sa pupille, mais le prolongement déformé
du trait noir du visage du pianiste. Cependant, avec cette interprétation, on
n'arriverait plus à comprendre le sens de la tache rose couleur chair qui
envahit tout le verre gauche de la lunette d'Igor. Il faut donc bien compter
deux yeux orientées -en arrière- vers la Castafiore. Et c'est bien ce que l'on
voit à l'échelle de la couverture de l'album d'Hergé Casterman .
Les deux yeux du psychiatre se voient, par leurs feux, au travers de ses
lunettes. Les deux statues géantes sculptées dans le roc ont les yeux
fermés marqués par la ligne de jonction des paupières. Dans le livre de
Benoit Peeters, Le Monde d'Hergé, on a un exemple p170, de couverture
dessinée par Hergé où ces statues ont les yeux ouverts.
Recherche à VOIR: Editions CASTERMAN La couverture de l'album « VOL 714 POUR SYDNEY » Editions Casterman 1976
(22) TINTIN ET LES PICAROS: 8 yeux
(2 Milou + 2 Tintin + 2 Tournesol + 2 Haddock)
9
TOTAL DU NOMBRE D'YEUX D'HERGE: 166 yeux
Il y a 129 yeux pour le Tarot de Grimaud et 166 yeux pour les
Couvertures d'Hergé .
Il y a donc une différence de 37 yeux entre le tarot d'Hergé Casterman
(1976) et celui de Paul Marteau des éditions Grimaud (1930):
166 - 37 = 129.
Pourrait-on arriver à éviter à 37 yeux d'Hergé Casterman sur les 166
yeux dessinés par Hergé de "partir" dans l'espace "visionnaire" des
Aventures de Tintin ? Comment arriver à éviter à 37 de ces 166 yeux
d'Hergé d'être capturés sans protection dans l'univers mortel des idées
éternelles du langage, donnés en pature à leur équivalent divinatoire ?
Recherche à VOIR : Editions GRIMAUD 1930
La lame « LE•MAT » et la lame « XIII »
Deux lames majeures particulières :
On mettra à gauche, la seule lame à plage NOMBRE
sans nombre visible inscrit.
On mettra à droite, la seule lame à plage NOMBRE ne disposant
ni de plage NOM ni de nom inscrit.
Histoire à suivre [...]
10
Les lames aux yeux ou l'art du paragramme
Conte scientifique
Deuxième Partie
Recherche sur le sens des pupilles des yeux dessinés sur les 78 lames du
Tarot de Marseille des Editions Grimaud (1748-1930) et sur le sens des
lunettes placées par Hergé sur les 22 couvertures des albums en couleurs
des Aventures de Tintin (1930-1976) parus aux Editions Casterman.
Résumé de la première partie : Les géomanciens bambara et minyanka du Mali
utilisent les petits figures divinatoires qu'ils tracent sur le sable pour leur permettre
d'aller visiter avec les yeux de ces figures le monde dangereux des puissances
oraculaires. Grâce à la médiation des figures divinatoires, ils peuvent ainsi éviter le
coût anthropologique de la divination : la cécité. Tel est l'intérêt d'une “ divination ”
dite artificielle dans la terminologie de Cicéron. Ce sont les êtres de fictions - les
figures de la divination - qui vont aller visiter les espaces de vision dangereux du
divinatoire afin d'éviter au devin de le faire lui-même. Le géomancien gourmantchè
du Burkina Faso utilise une expression révélatrice. Au moment de sa consultation,
selon Michel Cartry(9), il dit à ses figures : “ Marche pour moi”.
Nous avons fait l'hypothèse propre à une “ ethnologie fiction ” que les yeux
répertoriés historiquement de la cartomancie occidentale , contrairement à
l'idéologie européenne de la voyance qui serait plutôt à placer du côté des
divinations dites « naturelles », essayent de « voir pour les devineresses » afin de
leur éviter le coût anthropologique et sociologique de la divination « naturelle » , si
on en croit Tirésias, la cécité et l'inversion d'identité sexuelle.
Selon cette hypothèse, les yeux dessinés sur les lames de la cartomancie visitent
les espaces de la voyance à la place du devin lui-même. Nous avons compté 129
yeux dessinés sur les 78 lames du Tarot de Marseille. Pour des raisons
théoriques (10)- fort intéressante, mais que nous n'aborderons pas ici, tout laisse à croire que les 22 albums en couleurs des aventure d'Hergé parus entre 1930 et
1976 visitent les mêmes espaces divinatoires que ceux de la cartomancie des
lames du Tarot de Marseille, à une transformation près – celle qui correspond aux
changements anthropologiques et sociaux historiques qui nous firent passer de
l'époque de Louis XV (1748) à celle de Giscard d'Estaing (1976) par la médiation de
la III ème République (1930 ) de Gaston Doumergue (1863-[1924-1931]-1937).
Si cette hypothèse était bonne le couple Hergé / Casterman, de la même façon que
le couple Paul Marteau / Grimaud, utiliserait le même nombre d'yeux , à une
transformation près, pour visiter, par divination “ artificielle ”, les espaces éternels qui
11
nous renseigneraient sur la transformation anthropologique et sociale historique
correspondante : les conséquences de la catastrophe économique, puis politique de
1929/1930, à la source de la montée du nazisme et de la seconde guerre mondiale.
Nous avons compté 129 yeux dessinés sur les 78 lames du Tarot de Marseille,
mais nous ne trouvons pas 129 yeux dessinés sur les 22 couvertures des
albums en couleur d'Hergé. Nous en trouvons bien plus. Exactement 166
yeux.
Il aurait fallu être fou pour s'attendre au contraire […], n'est-ce pas ?
Le choix du nombre d'yeux dessinés sur les lames d'un Tarot et sur les couvertures
d'un BD ne sont-ils pas des choix de fantaisies ne suivant aucunes lois formelles ?
N'est-ce pas ce que l'on disait avant les recherches de Claude Lévi-Strauss (1908-
2009) sur toutes les productions de l'esprit humain, parenté ou mythes ? Nous
allons cependant tenir cette folie-là : en faisant l'hypothèse "rigoureuse" que s'il y a
une différence entre le nombre 129 et le nombre 166, cette différence - entre ces
deux corpus divinatoires ou semi-divinatoires- n'est que superficielle. Elle ne fait
que désigner la différence qu'il y a - mutadis mutandis- entre l'époque pré-1930
venu de Louis XV et l'époque post-1930 venu de la Gauche de Doumergue (1863-
1937) jusqu'à celle que préparait en 1976, sous la houlette de François Mitterrand
(1916-1996), l'après Giscard d'Estaing .
Pour fixer notre méthode, nous appellerons “ PARAGRAMME ” ( nous le reverrons
plus loin) un travail répétitif, harcelant et obsédant, de langage capable de
transformer - peu à peu- un fait apparemment (et raisonnablement) aléatoire et
sans signification en un fait évidemment (et déraisonnablement) non aléatoire et
surchargé de sens.
Il s'agit de construire un des sens "paragrammatiques" possibles de la différence
entre 129 et 166 supposée égale :
129 = 166 - 37
Comment évacuer les 37 yeux de couverture qui sont en trop ? En augmentant le
registre de l'artificiel du divinatoire à l'intérieur même du registre divinatoire « bien
trop naturel » d'une BD, puisque ce registre s'ignore en tant que divinatoire dans
l'espace de signes des albums en couleurs des aventures de Tintin.
Les deux corpus - celui de Paul Marteau (1885-1966) aux éditions GRIMAUD et
celui d'Hergé (1907-1983) aux éditions Casterman - étant sensés visiter les
mêmes espaces mortifères “ éternels ” - à une transformation près qui s'effectue
dans le miroir de l'histoire de France du roi Louis XV au président Giscard d'Estaing
- comment allons nous penser les 37 yeux surnuméraires de la BD d'Hergé qu'il
nous faudrait désormais cacher, grâce à l'artifice d'un autre 37, pour pouvoir
repasser de 166 à 129 ? Quel malin génie pourrait nous venir au secours de notre
hypothèse fiction ? Quel effet du signifiant des oeuvres - quel truc- quel jeu d'un
12
démon de Maxwell - pourrait nous venir en aide ? Et que George Remi aurait, à
son insu, actualisé en étant captif d'un cheminement formel de vie qui l'aurait
conduit à offrir à ses lecteurs une œuvre qui ne se réduirait pas [ si on en croit
l'anthropologue Claude Lévi-Strauss] à une simple œuvre de fantaisie ? C'est ce
que nous allons découvrir dans cette seconde partie.
Si les yeux dessinés sur les espaces imaginaires d'un tarot ou d'une BD sont
des yeux qui visitent un ordre de REEL - le monde de la fiction, celui des
dieux, des génies ou celui des idées éternelles - que nos yeux ne pourraient
pas parcourir sans y perdre la vue, comment les yeux des figurines de fiction
qui s’élancent dans le monde de la fiction comme si c’était un monde naturel,
pourraient-elles éviter de perdre elles-mêmes la vue ? N’y aurait-il pas des
"outils" qui empêcheraient cette perte de la vue que produit le passage
"mortel" qui va du monde naturel au monde surnaturel dans lequel se déploie
le registre du divinatoire ? Comment sauver 37 yeux du passage du "monde
sensible" au "monde des vérités éternelles" par des artifices au second
degrés qu’il faudrait communiquer à ces artifices de premiers degrés qui
partent, avec tous les enfants du monde, lecteurs de la BD, dans une fiction,
comme si c’était un monde naturel ?
Le statut des lunettes des personnages de couverture des albums en couleurs des aventures de Tintin
Ne serait-ce pas les lunettes, posées sur le nez, en particulier, de tous ces
savants momifiés sur la couverture des CIGARES DU PHARAON (Casterman,
1955), qui nous permettraient d'échapper au passage "mortel pour les
yeux" du monde des vivants au monde des morts et des dieux ?
Recherche à VOIR: Editions CASTERMAN: La couverture de l'album « LES CIGARES DU PHARAON »
Editions Casterman 1963
Les savant, effectivement, en prolongeant la force de leurs yeux par des
lunettes (longues vues, microscopes, télescopes, etc) ne font que prolonger
notre monde empirique sans imposer à leurs yeux d'accéder aux mondes de
la voyance divinatoire. Ne sont-ils pas ainsi, avec leurs lunettes, ces garants
du monde sensible incapables de comprendre le monde éternel des dieux que
visitent cependant les rêves des enfants, les images des B.D modernes et
anciennes (que sont les Tarots) et que désigne le Mystère de la grande
pyramide des anciens égyptiens tel que l'ont imaginé, selon les besoins de
leurs époques, aussi bien Antoine Court de Gébelin (1725-1784) dans son
"Monde Primitif" (1773-1782) qu'Hergé et son ami, Edgard P. Jacobs ?
13
Dans le Tarot de Grimaud, il n'existe pas de lunettes. Par contre, les
personnages ''savants'' d'Hergé portent souvent des lunettes. Ces lunettes,
par définition, sont des outils qui prolongent le pouvoir de l'oeil humain dans
la nature. En développant l'acuité des yeux dans le monde sensible, elles
fixent ces derniers dans ce monde.
Une paire de lunettes est composée de deux lunettes simples, la lunette de
l'oeil gauche et la lunette de l'oeil droit. Chaque lunette bloque la dimension
de voyance d'un oeil. Une paire de lunettes bloque la capture de deux yeux,
etc. Il faut ainsi diminuer le nombre total des yeux d'Hergé [166] disposés à
"passer" dans l'univers divinatoire du récit (ces "yeux de couverture" qui
"regardent pour nous" du côté du monde des dieux et de la fiction
divinatoire ) du nombre des verres de lunettes qui ajustent et conservent
autant d' yeux dans le monde de l'empiricité (du côté de la rationalité
humaine, en de ça de la fiction divinatoire ).
Le décompte des lunettes
et autres prothèses visuelles
Il y a 10 couvertures porteuses de lunettes ou de longues vues dessinées
sur les couvertures des aventures de Tintin de Hergé Casterman :
[Là aussi le texte définitif présentera les personnages à lunettes.
Nous ne fournissons ici qu’une liste]
(3) LES CIGARES DU PHARAON: 10 lunettes
( 2 fois 5 paires de lunettes des égyptologues momifiés des sarcophages
11,12,13,14,15)
Les égyptologues sur la couverture des Cigares du Pharaon
[ Cinq paires de lunettes] [ extrait]
(10) LE SECRET DE LA LICORNE: 1 lunette
(La lunette de la longue vue de Rackham le Rouge au travers de laquelle se
voit le voilier ‘’La Licorne’’)
14
(12) LES 7 BOULES DE CRISTAL: 3 lunettes
( 2 lunettes de Tournesol + 1 lunette visible de la paire de lunettes de
Bergamotte)
Recherche à VOIR: Editions CASTERMAN: La couverture de l'album " Les 7 boules de cristal"
Editions Casterman 1963
Exemple de couverture à 10 yeux et à 3 lunettes
[ On voit 10 pupilles : les deux pupilles des yeux du capitaine Haddock, celles du professeur
Tournesol, de Tintin, de Milou et du Diable jaune (qui n'est visible qu'agrandi) et 3 lunettes : les deux
lunettes de la pair de lunettes du professeur Tournesol et la lunette gauche de la paire de lunettes du
professeur Bergamotte ]
(15) OBJECTIF LUNE: 2 lunettes
(2 lunettes de Tournesol)
(17) L'AFFAIRE TOURNESOL: 8 lunettes
( 2 fois 3 lunettes des militaires + 2 lunettes de Tournesol)
(18) COOK EN STOCK: 1 lunette
(La lunette de la longue vue de Marquis di GORGONZOLA, alias
Rastapopoulos, au travers de laquelle se voit le radeau de Tintin, Haddock,
Szut et Milou. Il y a bien, sur la couverture, 1 seule lunette marquée dans le
dessin d'Hergé par un grand cercle visuel qui fait penser au cercle visuel
d'une LONGUE VUE à la différence des pages d'album où il y a 2 lunettes
marquées par les 2 foyers visuels d'une JUMELLE )
Recherche à VOIR: Editions CASTERMAN:
La couverture de l'album: Coke en Stock
Editions Casterman 1962
[ 7 pupilles vues dans la lunette du Marquis di Gorgonzola, alias Rastapopoulos ]
(19) TINTIN AU TIBET: 4 Lunettes
(2 lunettes de Tintin + 2 lunettes de Tharkey + O Haddock (Haddock n'a pas
de lunettes sur la couverture de l'album 19 alors qu'il a des lunettes à
l'intérieur des images de l'album ).
Recherche à VOIR: Editions CASTERMAN:
La couverture de l'album: Tintin au Tibet Editions Casterman 1963
Exemple de couverture à « 4 lunettes » ( 2 paires de lunettes)
15
(20) LES BIJOUX DE LA CASTAFIORE: 2 Lunettes
(2 lunettes de Wagner )
(21) VOL 714 POUR SYDNEY: 4 Lunettes
( 2 lunettes de Carreidas + 2 lunettes de Krospell)
(22) TINTIN ET LES PICAROS: 2 Lunettes
(2 lunettes de Tournesol )
TOTAL DES LUNETTES d' HERGE : 37 LUNETTES
SOMME TOTALE DES YEUX D'HERGE CASTERMAN MOINS
LA SOMME TOTALE DES 37 LUNETTES :
= 166 -37 = 129
Nous retrouvons bien 129, c'est-à-dire le nombre de yeux inscrits dans
l'espace de la "voyance artificielle" du Tarot de Marseille.
Ainsi 166 yeux d'Hergé à transformer (de la Nature à la Surnature) moins les
37 lunettes qui bloquent partiellement cette transformation = 129 yeux de
la voyance chez Hergé .
La différence qu'il y a entre les LAMES DU TAROT (1930) et les
COUVERTURES D'HERGE (1976) tient donc aux lunettes "empiriques,
naturelles et raisonnables" qui "voilent " et "protègent" de leurs 37 surfaces
DE VERRE ou de PLEXIGLACE, 37 des 166 YEUX DE CHAIRS voués à être
PERDUS DANS L'ESPACE ARTIFICIEL DE LA VOYANCE où se logent les héros
de papier de la bande dessinée.
SEULS 129 YEUX (43 x 3)(11) seront ainsi offerts au "sacrifice de papier" aussi
bien sur les cartes du Tarot que sur les couvertures d'Hergé Casterman. On
peut se demander s'il n'y a pas ici une rencontre extraordinaire entre les
états successifs du vieux tarot de Marseille de Grimaud - cette vraie Bande
dessinée d'autrefois qui s'est modifiée lentement de 1748 à 1930 - et
l'univers de la B.D d'Hergé qui a été conduit, lui-aussi, à réengendrer les 22
grands hiéroglyphes du Tarot de Marseille à l'intérieur de l'acuité graphique
de la pratique d'Hergé et des aléas de son évolution historique de 1930 à
1976.
16
N'y aurait-il pas un espace commun aux deux évolutions
graphiques ? L'une et l'autre ne viendrait-elle pas exprimer
l'espace d'un grand mythe, au bout de leurs évolutions
successives qui émergeraient, par mutations lentes et
apparemment aléatoires de leurs traits ?
[ HISTOIRE A SUIVRE … ]
17
Les lames aux yeux ou l'art du paragramme
Conte scientifique
Troisième Partie
Recherche sur le sens des pupilles des yeux dessinés sur les 78 lames du
Tarot de Marseille des Editions Grimaud (1748-1930) et sur le sens des
lunettes placées par Hergé sur les 22 couvertures des albums en couleurs
des Aventures de Tintin (1930-1976) parus aux Editions Casterman.
L'art du paragramme
Il est raisonnable de croire que la rencontre que permet une hypothèse
d’ethnologie fiction et le déploiement littéraire d’un conte scientifique , n'est
pas à interpréter selon les qualités d'une vérité hors discours de type
dénotatif qui serait placée au dehors de la sémiologie que présupposent nos
ETRES SOCIAUX. La vérité que désigne cette hypothèse d'ethnologie fiction
- telle la beauté d'un oiseau ou d'une fleur est évidemment - dans le TEXTE
DE NOS VIES- de l'ordre d'une vérité "paragrammatique" , c'est-à-dire d'une
vérité (ou d'un effet esthétique de vérité) issu non du savoir du producteur
(Hergé) ou des graveurs du Tarot de Marseille, mais du travail du récepteur
/utilisateur de la matérialité des signifiants mis à sa disposition par Hergé ou
par le monde de la cartomancie. Jouons le jeu de la raison. Reprenons
l'histoire de nos lames aux yeux.
Parmi tous les ajustements possibles que l'on puisse faire entre les 22 lames
du Tarot de GRIMAUD et les 22 Couvertures de HERGE CASTERMAN, nous
avons récolté un des ajustements étonnants, celui qui peut faire sens. Tel est
l'art du paragramme. Hergé n'a pas pu préméditer de tels ajustements, pas
plus que Nostradamus (1503-1566) n'a pu préméditer l'arrestation de Louis
XVI à Varennes à l'intérieur d'un texte (Centuries astrologiques, 1555)
qu'il a produit à l'époque de Catherine de Médicis. Par contre, son matériel
le permet, à la différence de bien d'autres auteurs.
"C'est bien la "fuite à Varennes" qu'il faut reconnaître dans le
quatrain IX 20, c'est bien ce grand tournant de l'histoire que
Nostradamus met sous nos yeux. Que de conséquences
embarrassantes, que de problèmes !" p 75.
18
"Nous devons être fidèles à notre option qui est de prendre tout
le quatrain au sérieux. " p 80.
"Je ne conclus pas, mais j'ai l'impression de me trouver sur
l'entrée d'un mundus à l'envers, par lequel des hommes de
l'avenir communiqueraient avec les hommes du présent, le Louis
XVI de 1791 ou de 1793, avec le Nostradamus du XVI° siècle.
Comment, d'où Nostradamus a-t-il acquis ces connaissances qui
seront, deux cent cinquante ans plus tard, les expériences et
pourront être les réflexions du roi?" p 94.
in Georges DUMEZIL, de l'Académie française "... Le moyne noir en gris
dedans Varennes", Editions Gallimard, 1984 .
Pas plus que la nature, n'a pu préméditer la perfection et la beauté d'une
fleur, l'ajustement historique, complet du paragramme, n'est anticipable à
l'échelle de Nostradamus ou d'Hergé . La beauté "miraculeuse" d'un tel fait
est due a posteriori au regard du lecteur qui sélectionne les combinaisons
possibles et anticipe, émerveillé, la forme adéquate qu'il perçoit sans
anticiper les formes inadéquates qu'il ne voit pas ou qu'il ne peut plus voir
car elles n'ont pu exister ou parce qu'elles ont déjà disparues.
Comme dans le cas d'un paragramme, la beauté d'une forme naturelle ou
d'une forme artificielle (celle de l'art) , s'énonce en tant que telle sans
avouer en même temps qu'elle, toutes les formes qui, autour d'elle, ne sont
jamais venues. Mais n'est-ce pas déjà merveilleux d'annoncer -même a
posteriori- une telle forme? L'histoire communicable n'est-elle pas une des
relectures possibles du monde qui fait a posteriori sens ?
L'art du paragramme est cet art qui, à partir d'une palette très grande de
combinaisons possibles, va sortir (ajuster) la combinaison qui fait sens, que
l'on trouve belle et qui nous fait un effet esthétique pouvant nous
conduire sur "le chemin d'une vérité" intérieure. Les centuries de
Nostradamus, les images du tarot de Marseille et, fait étonnant, les 22
couvertures d'Hergé Casterman, au même titre, peut-être, que le code
génétique(12), permettent - à la différence de bien d'autres formes de
matériels - de développer l'art du paragramme. C'est -à- dire l'art des arts
-l'Alpha et l'Oméga ART- que ce soit l'art de la musique, l'art de la danse,
celui de la peinture ou de la poésie. A l'aide d'une palette de sons ou de
couleurs, de formes graphiques ou de gestes,le producteur/créateur peut
ainsi sortir les combinaisons qui font sens -les seuls réels pour lui ou pour son
époque -en faisant l'économie de la réalité ( finie et morte) des autres .
Les caractéristiques que portent les 22 couvertures d'Hergé, au même titre
que les lames du Tarot, fonctionnent comme des palettes de ce genre. Ce
19
sont les palettes d'un ART qui peuvent si bien dialoguer entre elles, - leurs
ajustements sont parfois si forts comme dans cette histoire de lames
aux yeux et aux lunettes - que le lecteur lui-même devenu créateur
producteur de génie, peut être emporté (avec tous les enfants du monde)
vers les sommets poétiques d'une illusion de vérité si délicieuse qu'il sera
souvent conduit - en son âme et conscience, en sa raison et en sa déraison -
comme le fut Georges Dumézil - à se demander véritablement :
... s'il n'y aurait pas un Méga-savoir ou un Dieu au rendez-vous de tout cela
(qui aurait tout prémédité à notre insu ), bref, si Hergé lecteur conscient ou
inconscient des Mystères de la Grande Pyramide et de son langage (le tarot),
n'y aurait pas un peu songé à notre insu, sans qu'il ne nous le dise, sans
qu'il ne le sache (13).
Christian Bertaux, Paris , avril 1990
20
NOTES Les lames aux yeux ou l'art du paragramme
Le Mat-Tintin
d’Alain BELLANGER 1991
[15, 5 x 19, 5]
Dessin découpé sous la forme d’une lame géante de tarot
dessinée et offerte en 1991 à Ch. B par Alain Bellanger ,
étudiant à mon cours d'anthropologie donné à l'université Paris 7- Jussieu
21
1
Christian Bertaux est linguiste mathématicien, ethnologue, anthropologue et sociologue, directeur
de recherches en sciences sociales, maître de conférences à l'UFR de sciences sociales de
l'université Paris 7-Denis Diderot.
2
Cf. Colloque “ Mathématiques fantastiques ”. Ch. Bertaux, Mathématiques fantastiques chez
Hergé. Université Paris 7, 11 mars 1991. Nous avons montré que le corpus des 22 albums en
couleurs des aventures de Tintin (1930-1976) prolonge formellement le corpus des 78 lames du
Tarot de Marseille des Editions Grimaud (1748-1930). La Tarot de Marseille des éditions Grimaud
développe une morphologie de construction faisant appel au nombre 37 = 1/2 (N) (N+1) +1 avec N= 8
que l'on retrouve dans le corpus des planches des 22 albums couleurs des aventures de Tintin.
Nous signalons cette morphologie du tarot et son analogie hergélienne, à l'acuité visuelle du lecteur,
sous la forme de l'exercice suivant:
1. Partager les 78 lames du tarot de Marseille [non bilingue] des éditions Grimaud en deux
ensembles de 39 lames: les 39 lames à yeux (qui ont au moins un oeil dessiné) et les 39 lames sans
yeux (qui n'ont pas un seul oeil dessiné);
2. Ecarter de chacun de ces deux paquets , 2 gardes afin de former une carré de 4 gardes. Les 2
gardes des 39 lames à yeux sont les 2 lames qui n'ont pas de plage nombre ou de plage lettres; Les
2 gardes des 39 lames sans yeux sont les 2 seules lames qui ont du corps [ l'As d'épée et l'As de
Bâton].
3. Nous obtenons pour le corpus du Tarot de Grimaud, 2 fois deux gardes encadrant une double
pyramide Pn formée d'un double triangle de ∆n lames et d'une double EXCUSE: Pn = ∆n +1. Dans
le cas du Tarot de Grimaud, la double pyramide Pn est de 37 lames. L'ensemble doublé est formé de
deux triangles de 36 lames à yeux masquant 36 lames sans yeux et de deux excuses à yeux sans
plage masquant deux excuses sans yeux à corps.
Entre le corpus des 78 lames du Tarot de Marseille qui s'est développé historiquement de 1748 à
1930 -selon les indications fictives du DEUX-DE-DENIERS- et le corpus de 1430 planches d'aventure
de Tintin des 22 albums en couleurs parus aux éditions Grimaud qui a prolongé historiquement le
premier corpus de 1930 à 1976, il s'est développé un homéomorphisme de construction ayant pour
pivot une EXTENSION du nombre 37.
Définition: L'EXTENSION (notée EXT) d'un nombre CIBLE X (noté X°):
X°= 1/2 (N)(N+1) +1 de BASE N
est le nombre CIBLE Y° , s'il existe , de BASE N= X°:
Y°=1/2 (N)(N+1)+1 de BASE N= X°.
Exemple: EXT (22°) = ° BASE 22= 254° car 254° = 1/2 (N) (N+1)+1 pour N= 22°
4. La GALAXIE TINTIN est formée par le corpus distinctif complet des planches des 22 albums en
couleurs des aventures de Tintin parus aux éditions Casterman. Elle regroupe les 22 couvertures des
22 albums, les 2 planches de gardes formées de petits dessins bleus et blancs qui sont proches des
planches de couverture, des 22 planches de titre qui précèdent les planches numérotées, les 22 fois
62 planches numérotées de 1 à 62 des 22 albums . La couverture de dos est exclu du corpus [ La
planche de dos est une planche Casterman anachronique qui n'appartient pas à la GALAXIE
TINTIN, mais à la Galaxie Casterman]
Formule de la Galaxie Tintin:
22 + 2 + 22 + [22 x 62] + 2 = 22 x 64 + 4 = 1412
22
Extrait de la planche de couverture de dos qui se trouve sur les 22 albums en couleurs des
aventures de Tintin:
Les 9 dernières couvertures réduites des albums en couleurs allant du 14 ième album en couleurs au
22 ième album en couleurs
[La couverture réduite de l'album 14 est anachronique. Elle est encore écrite en faux arabe. Cette
couverture « historique » de dos est une couverture Casterman qui n'appartient pas à la galaxie
Tintin fixée en 1983 par la mort d'Hergé ]
Extrait d'une des QUATRE planches bleues et blanches
sans inscriptions « les Gardes »
Extrait du haut de la première page de garde de couleurs blanches et bleues
[ Il y a 4 pages de garde distinctes que l'on retrouvent dans chacun des 22 albums]
Sur les deux premières pages de garde du début de l'album se trouvent dessinées 57* figurines qui
ne se répètent pas et 21∆ figurines qui se répètent. Sur les deux dernières pages de garde de la fin
de l'album se trouvent dessinés 54∆-1 figurines qui ne se répètent pas et 22° figurines qui se
répètent. On a ainsi en tout : 78∆ figurines bleues placées au début de tous les albums et 76
figurines bleues placées à la fin de tous les albums.
Chaque album de 62 pages numérotées est placé au milieu µH de 154° figurines bleues : 78 à
gauche et 76 à droite.
[ La dernière figurine bleue du groupe des 78" figurines est la tête de mort
du pirate Rackham le Rouge ]
23
Rappel :
Le concept de "PYRAMIDE"
J'appelle "PYRAMIDE" un ensemble de Pn= 1/2 (n) (n+1) + 1 objets formés d'une part, d'un
ensemble triangulaire de ∆n= 1/2 (n)(n+1) objets , plus, d'autre part, d' UN objet appelé l' EXCUSE.
Une "Pyramide de définitions" est une Pyramide qui caractérise par une bonne définition 1.
L'ensemble des Pn objets; 2. L'ensemble des objets de la part triangulaire "n que l'on peut
distinguer de l'objet unique formant l'EXCUSE [+1] , 3. Les N ensembles distincts formant les N
lignes d'étage du triangle ∆n. Une Pyramide Pn de définitions est donc définie à l'aide de (n+3)
définitions. Cf. Voir plus loin, la pyramide de définitionS des 22 lames majeures du Tarot de
Marseille des éditions Grimaud
Sur le nombre CIBLE 154 = 1/2 (n) (n+1) +1 avec n= 17 voir, Ch. Bertaux, "Journal de Rien".
Recherches sur Alphonse CHEREL et Alphonse BOUDARD. Même structure visitée par les 154
leçons de l' "Anglais sans peine" [1929] de A. Chérel (1882-1970) qui a le même âge que Tintin
(1929). Le corpus de " L'Anglais sans peine" est codé, dans ses deux "vagues" , ses leçons et ses
exercices, d'une façon difficilement soupçonnable. Tout s'est passé comme si Alphonse Chérel pour
développer sa méthode intuitive "vivante" de langue capable de passer du français à l'anglais avait
essayé d'utiliser la langage articulé de l'Histoire qui s'est développée sous la forme d'une relation
géométrique et algorithmique simple entre les deux pays. Effectivement, Louis XVI de France (1754-
1793) est né 154° ans après Charles 1er d'Angleterre (1600-1649) et la restauration française (1814)
a eu lieu 154° ans après la restauration anglaise (1660).
Le concept d'EPISTEMOGRAPHIE dans son opposition au concept d'EPISTEMOLOGIE:
J'appelle « épistémologie » l'étude d'une production scientifique (littéraire ou artistique, etc) à partir du «
signifié » de sa théorie (de son esthétique ou de son idéologie) ; j'appelle « épistémographie » l'étude
d'une production scientifique ( littéraire ou artistique, etc) à partir du « signifiant » dans lequel cette
théorie (cette esthétique ou cette idéologie) se communique ou s'est communiquée historiquement, au
moins initialement. L'objectif de l'épistémograpphie est de préciser les "hyper-propriétés" que
développent un CORPUS HISTORIQUE pour que ce dernier, en se communiquant à l'ETRE SOCIAL de
ses lecteurs, puisse libérer son "signifié" dans l'effacement historiquement codé de son "signifiant". Cf.
Christian Bertaux " Sur l'Epistémologie et ses référentiels. En particulier, sur les propriétés lingistiques et
anthropologiques des champs épistémologiques des sciences" in Linguistique et Mathématiques, Ed.
Peter Lang 1982.
L'épistémographie tend à préciser les hyper-propriétés d'une œuvre objectivée dans son signifiant [ le
signifiant d'une théorie dit autre chose que son signifié] plus ou moins pensé comme étant un OBLAT
SACRIFIEL essayant de protéger le producteur de la théorie [sous le masque de son signifié] du REEL
que présuppose sa recherche et que son discours forclos ou dénie, à son insu. C'est dans la mort
historique du théoricien que se lève le déni que le signifié produit sur le signifiant dès lors que le ratage
de la théorie ne peut plus être tu, sa production - à sa mort- s'arrêtant. La méthode utilisée – subjective -
délirante- tirée par les cheveux- est du type «paragrammatique ». Le travail de paragramme est ce qui
est au plus près -consciemment- du travail non conscient d'un inconscient captif d'une forme ou d'un
défaut de forme qui s'est produit dans le montage de l'ETRE SOCIAL.
5. L'homéomorphisme de construction qu'il y a entre le Tarot de Marseille des éditions Grimaud et la
Galaxie Tintin des éditions Casterman apparaît lorsqu'on suit pour la Galaxie Tintin la même
procédure que nous avons indiquée plus haut pour le Tarot:
N°1: Partageons l'ensemble des 1412 planches distinctes formant le corpus complet de la Galaxie
Tintin . On obtient deux sous-ensembles de 706 planches formés chacun d'un sous-ensemble de 704
planches et de 2 gardes [ les planches non numérotées bleues et blanches].
24
N°2: Les deux fois nombres 704° forment, comme les deux fois nombres 37° du Tarot de Marseille,
deux ensembles composés d'un Triangle et d'une EXCUSE : Pn = ∆n +1. Les deux pyramides
d'Hergé sont des EXTENSIONS (EXT) des pyramides Pn du tarot. On a effectivement : EXT (37°) =
704° avec Y°= 1/2 (N)(N+1)+1 pour N=37°.
Il est facile de matérialiser concrètement ces deux ensembles formels avec des planches des albums
de Tintin en plaçant -comme dans la morphologie désignée plus haut pour le Tarot de Grimaud - deux
pyramides EXT (37°) à l'intérieur d'un carré de QUATRE GARDES (les 2 fois planches de dessins
bleus et blancs placées dans tous les albums d'Hergé au voisinage des deux couvertures). La double
pyramide de Grimaud cachant les 37 “ lames sans yeux ” par les 37° “ lames avec yeux ” fait place à
une double extension pyramidale EXT (37°) où l'ensemble des 22 planches de couverture augmenté
des 22 x 31 planches numérotées à l'aide de nombres impairs pourraient, respectivement, cacher
l'ensemble des 22 planches de titre et des 22 x 31 planches numérotées à l'aide de nombres pairs.
Géométrie simple permettant de passer des 78 lames du Tarot de Grimaud
( 2 fois [37° + 2°] )
aux 1412 planches des 22 albums en couleurs des aventures de TINTIN
(2 fois [ EXT.37° + 2°] )
Je laisse ces résultats à la méditation du lecteur.
3
J'aurais aimé donner - si cela ne risquait pas de déclencher d'ombrageuses questions de droits
d'édition- quelques reproductions, non pas des couvertures neuves commercialisables des albums
des aventures de Tintin des éditions Casterman, mais des couvertures non commercialisables
usagées - personnalisées par un long usage - faisant désormais partie de la "substantielle moëlle"
de mon ETRE SOCIAL - des éditions Casterman que je regarde et que je feuillette, avant même
d'avoir appris à lire, depuis l'âge de 4 ou 5 ans. C'est au Crotoy , une petite ville de pêcheurs dans
le département de la Somme en France , le Crotoy de Jules Verne, que j'ai regardé pour la première
fois, en août 1949, l'album "TINTIN AU CONGO" . J'avais fait remarquer à ma grand'mère maternelle
Marie JULLIEN née CATEL (1896-1972) que parmi les antilopes que Tintin avait rencontrées, il y en
avait une qu'il n'avait pas tuée. Laquelle m'avait-elle demandée ? Celle qui est de couleur verte
avais-je répondu. Tel fut mon premier paragramme "informel", celui de mes 4 ans, l'année de mes
5 ans . J'étais fier de moi.
25
L'antilope verte. C'est cette antilope vue de profil DROIT. C'est l 'EXCUSE [ + 1] d'une PYRAMIDE
[∆ + 1] de 16° antilopes. N'a-t-elle pas été capable de se confondre -d'une façon toute écologique-
avec le vert des végétaux ? Elle ne se retrouve pas dans l'hécatombe des 15∆ antilopes brunes.
L'antilope verte est dessinée sur la page 16 . L'antilope "verte" est vue de profil DROIT ( A) . Elle
est placée dans la case 1 de la ligne 2 de la page 16 de l'album 1 lorsqu'on utilise - comme les
géomanciens- quatre critères : le critère Album, Page, Ligne et Case (notée A1P16L2C1 =
géomancie 1221 "CARCER"). Elle est également désignée , lorsqu'on utilise non pas 4, mais 3, 2 ou
1 critères, respectivement sur l' Album 1 Page 16 Case 4 , ou sur l' Album 1 Case 170 ou sur la
CASE 170∆.
Lorsque j'ai signalé ma remarque sur l'antilope verte à ma grand'mère, elle m'a dit - de façon fort
plate - qu'"il ne s'agissait certainement que d'une erreur du coloriste" car '"il n'existait pas d'antilope
verte". Ma délicieuse et très gentille grand'mère maternelle - qui n'avait pas, ce jour là, inventé le fil
à couper le beurre- et qui, en choisissant cette explication fort "raisonnable", aurait pu être la
représentante assurée, confirmée et diplômée, d'un des représentants des sciences sociales- avait
tord. Je ne sus pas, à l'époque, lui faire comprendre. Elle avait effectivement tord. Car d'une part, il
existe des antilopes vertes . Celles qui se trouvent dans l'œuvre de fiction de TINTIN AU CONGO.
De plus, a posteriori, s'il s'était agi vraiment d'une erreur, les multiples éditions des albums d'Hergé
l'aurait corrigée. Heureusement , ils ne l'ont pas fait. C'est le danger des rééditions qui effacent les
"hyper-propriétés" du signifiant éditorial d'un oeuvre. Papus corrigeant Grimaud ! Ce fut le danger
des rééditions des lames du Tarot de Marseille ou des éditions corrigeant les pseudo-erreurs
d'orthographes des poésies de Villon . En cherchant à corriger les supposées erreurs des auteurs,
des éditeurs ou des graveurs , les réformateurs zélés détruisent la pluricité des sémantiques que
libèrent les agraphismes d'une oeuvre . Cf. Pierre GUIRAUD, Le Jargon de Villon ou le Gai Savoir
de la Coquille, Ed. NRF Gallimard 1968.
Epistémographie: Il existe des lois formelles qui règlent les "lapsus graphiques" . Ces lois
formelles désignent les propriétés des espaces sémiologiques dans lesquels s'énoncent ces objets.
Les lapsus ne sont pas aléatoires, mais dépendent d'un travail que Freud appellerait "inconscient" et
que j'aurais envie d'appeler " capture non consciente d'un corps de langage s'énonçant dans une
forme ". Les régularités formelles dont les lapsus ( qui permettent ces régularités) apparaissent dans
les albums d'Hergé. Elles se déploient, sémiologiquement, anthropologiquement et sociologiquement,
au delà de l'indivitualité d'Hergé, sous l'action non consciente- conjuguée et méconnue - de toute
l'équipe éditorial d'Hergé/Casterman.
Tintin au Congo, EXTRAIT
Les cases [A1 P 16 L2 C3 ] et [ A1 P16 L3 C2]
26
Je ne pouvais pas le savoir à 4 ans. D'où me venait cette intuition ? Mais la certitude que
développait "platement" "trop raisonnablement" ma grand'mère sur les antilopes brunes et vertes
m'agaça suffisamment pour que mon "formidable non conscient" continua à travailler pour moi - à
mon insu- afin que 36 ans après [1985], j'ai enfin la solution qui m'aurait permis de démontrer à
ma grand'mère [ si elle vivait encore ] qu' au sujet de l'ANTILOPE VERTE de TINTIN AU CONGO,
elle s'était tout simplement trompée.
Tintin au Congo, l'hécatombe de la case A1P16L3C2 décompactisée:
Un triangle de quinze antilopes brunes tuées par Tintin
formant une PYRAMIDE P5 = 15∆ + 1∆
de 16 ANTILOPES dont l'Antilope VERTE pourrait être l'EXCUSE.
EXERCICE d'observation : Recherche de "Lapsus graphiques". Montrer que dans l'album de Tintin
au Congo, il exsite également une image d' éléphant à la peau VERTE qui fait différence avec les
images d'un éléphant à la peau GRISE. De même, il existe une image du père blanc au visage
GRIS NOIR qui fait différence avec les images du père blanc au visage ROSE.
EXERCICE de "Petite tintinologie " [ à l'échelle d'un ou de deux albums] : Quel est le premier
grand " lapsus formel" qui apparaît dans le premier album en couleur des aventures de Tintin?
Solution partielle : Le premier Grand lapsus graphique des albums en couleurs des aventures de
Tintion s'énonce dans le changement de page de la fin de la page 5 [ la chute du bas de page] au
début de la page 6 c'est-à-dire de la case 2 ligne 4 page 5 album 1 [ géomance = 1542 =1122=
FORTUNA MINOR ] à la case 1 ligne 1 page 6 album 1 [ géomance =1611=1211= PUELLA ] c'est-à-
dire en "grande tintonologie" (en faisant appel à un décompte case absolu) de la CASE 56° à la
CASE 58**. Solution grivoise ? La queue de Milou ( "Marie Louise") débande en passant d'un
monde à l'autre par le cercle d'un hublot sous la frappe meurtrière que produit TOM , le passager
clandestin, futur premier mort des 22 morts des 22 albums en couleurs des Aventures de Tintin.
La "bande médicinale" qu'un brave docteur a placée autour de la queue blessée de Milou par le bec
du perroquet JACKO - pour lui éviter le risque d'attraper la "psittacose" - est apparue pour la
première fois en : A1P4L2C3 [CARCER] CASE 38 C'est-à-dire sur l' Album 1, Page 4, Ligne 2, Case
3 [ géomance =1221 CARCER] en "petite tintinologie" et sur la CASE 38 en "grande tintinologie".
27
Elle est visible jusqu'en A1P5L4C2 [FORTUNA MINOR] CASE 56 . Elle disparaît en A1P6L1C1
[PUELLA] CASE 58 . Il s'agit bien d'un "lapsus graphique" puisqu'elle réapparaît en A1P8L3C2
[AMISSIO] CASE 87. Bien entendu, les figures de la géomancie latine indiquées ici [ 1221=
CARCER; 1122= FORTUNA MINOR; 1211= PUELLA, 1212 = AMISSIO; etc] n'ont rien à voir - au
moins directement- avec la pratique graphique d' Hergé, mais elles ont tout à voir, pour nous, avec le
rythme graphique que présuppose le signifiant graphique "clair dans ses traits" d'Hergé.
EXERCICE de "Grande tintinologie " [ à l'échelle de tous les albums] : Faire la liste de tous les
"lapsus graphiques" qui se trouvent dans les pages des 22 albums en couleur des aventures de
Tintin parus aux éditions Casterman avant la mort d'Hergé [1983]. Trouver une propriété ou
construire un paragramme permettant de penser -sous la forme d'un conte scientifique- l'organisation
de ces lapsus.
4 Il y a deux types de rectangle blanc d'inscription appelé PLAGE : Les plages NOMBRE et les plages
NOM. Il y a 37 LAMES A PLAGE rassemblant les 22 lames majeures qui disposent toutes d'une
plage NOMBRE et souvent d'une plage NOM les 15 lames mineures qui ne dispose pas d'une plage
NOMBRE, mais qui disposent toutes d'une plage NOM. Le Valet de Deniers a chassé dans son
gigantisme la plage NOM qui aurait dû lui servir de plage d'inscription.
Les lames mineures sont les lames qui ne disposent d'aucun rectangle blanc d'inscription placé en
haut de la lame. Il y a 56 LAMES MINEURES. Les lames majeures sont les lames qui disposent d'un
rectangle blanc d'inscription placé en haut de la lame rempli ou non de l'inscription visible d'un
nombre. Il y a 22 LAMES MAJEURES.
5
Le Valet de Deniers qu'on peut surnommer le « géant de deniers » est la seule lame mineure à nom
inscrit qui ne dispose pas de plage nom c'est-à-dire d'une plage rectangulaire blanche placée en bas
de la lame où s'inscrit le nom des lames à plage nom. C'est l'excuse des lames mineures qui
inscrivent sur la surface de leur lame leur nom (15∆ + 1° ).
6
Un critère formel rend ces figures surnuméraires nécessaires. Il corrobore plus techniquement
notre décompte . Il existe une pyramide [ 21∆ + 1] des 22 lames majeures faisant appel aux même
figures surnuméraires, à la tête du Dromadaire de la lame 18, à la tête du lapin de la lame 19 et à la
tête de Chèvre de la lame XXI (cachée dans la figure de l'Aigle).
RAPPEL : J'appelle "Pyramide" un ensemble Pn= 1/2 (n) (n+1) + 1 objets formés d'un triangle ∆ n
d'objets plus UN objet appelé EXCUSE. Exemple de "pyramide" des lames majeures du Tarot de
Marseille des éditions Grimaud formée d'un TRIANGLE " et d'une EXCUSE [ +1] . On placera
l'EXCUSE de façon excentrée, isolée en haut à gauche, comme dans un tableau de géomancie
latine:
28
La pyramide des têtes
des 22 lames majeures
Belle "pyramide de définitions" distribuant de haut en bas sur SIX LIGNES D'ETAGES numérotées
de haut en bas . Chaque ligne est bien définie de façon a se distinguer des autres lignes. L'EXCUSE
est la seule lame SANS PLAGE NOM. Le triangle des 21" lames, est formé des 21 lames disposant
d'une PLAGE NOM (placé en bas de la lame). Les défintions de ligne sont les suivantes: Sur la
première ligne d'étage L=1 , se trouvent les lames à SIX têtes [ il n'y en a qu'UNE] , sur la seconde
ligne d'étage L=2 , se trouvent les lames à CINQ têtes [ il y en a DEUX] , sur la troisième ligne
d'étage L=3, se trouvent les lames à QUATRE têtes [ il y en a TROIS] , sur la quatrième ligne d'étage
L=4 se trouvent les lames à TROIS têtes [ il y en a QUATRE] , sur la cinquième ligne d'étage L=5
se trouvent les lames à DEUX têtes [ Il y en a CINQ] et sur la sixième ligne d'étage L= 6 - celle du
bas de la pyramide - il y a les lames à UNE tête [ il y en a SIX ]. L'EXCUSE [ + 1] est la seule
lame à plage nombre SANS NOM à tête qui décapite des têtes. Pour que cette pyramide de
définitions se réalise, il faut compter des figures surnuméraires qui apparaissent dans le signifiant
historique des lames du tarot des éditions Grimaud comme autant de "lapsus graphiques" captifs
d'un attracteur triangulaire Pn ±1 ( le lapin, le dromadaire, la chèvre, les deux dés, etc). Voir plus loin.
7
Il y a deux têtes dessinées autour de l'œil unique de la petite figure placée en haut à droite de la
lame du Monde qui se métamorphose, grâce à une rotation de 90 degrés du cadre de la lame, en
Aigle et/ou en Chèvre.
29
8
Hergé (1907-1983) au pays de Charles Fourier (1772-1837)
La première figure dessinée par Hergé sur l'ensemble des Albums en couleur des aventures de Tintin
est LA GIRAFE de Tintin au Congo. C'est Charles Fourier certainement qui a fait sur la girafe le plus
fantastique des commentaires . Il a développé une curieuse interprétation de la GIRAFE à partir d'une
herméneutique qui lui fait voir les formes de la nature comme étant les ''hiéroglyphes'' des passions
humaines et sociales:
'' J'ai dit que les substances des trois règnes représentent les effets des passions dans le mécanisme
social; donnons-en quelques exemples: […]. L'hiéroglyphe de la vérité dans le règne animal, c'est la
girafe. Puisque le propre de la vérité est de surmonter les erreurs, il faut que l'animal qui la
représente élève son front au-dessus de tous les autres; telle est la girafe qui broute les branchages
à 18 pieds de hauteur. […]. La vérité chez nous n'est belle que dans l'inaction, et la girafe par
analogie n'est admirée que lorsqu'elle est au repos; mais dans sa démarche elle excite les huées,
comme la vérité excite les huées quand elle est agissante. Qu'un homme aille dans un cercle de belle
compagnie, dire la bonne et franche vérité sur les fredaines des honnêtes femmes qui s'y trouvent,
sur les grivelages des gens d'affaires ou autres personnes du salon, vous verrez l'indignation éclater,
et l'on s'accordera à faire taire et honnir l'orateur. C'est bien pis en affaires politiques où la vérité a
encore moins d'essor; et pour représenter cette compression de la vérité, cet obstacle invincible à
ses développements, Dieu a tranché les bois de la girafe à leur racine, ils ne font que poindre et ne
peuvent étendre leurs rameaux; le ciseau de Dieu les a coupés à leur base, comme parmi nous le
ciseau de l'autorité et celui de l'opinion abattent la vérité à son apparition et lui interdissent tout essor.
Cependant le plus fourbe de nous veut encore paraître véridique, et quoique ennemis de la vérité,
nous aimons nous affubler de son enveloppe; par analogie nous ne voulons de la girafe que son
enveloppe, que sa peau qui est extrêmement belle: quand nous saisissons cet animal, nous le
traitons à peu près comme nous traitons la vérité: nous lui disons: " Pauvre bête tu n'es bonne qu'à
rester dans tes déserts loin de la société des hommes, on peut t'admirer un moment, mais il faut finir,
par te tuer et ne garder que ton manteau, de même que nous étouffons la vérité pour n'en garder que
l'apparence. " p 230
'' Pour rendre intéressante l'explication des hiéroglyphes, il faut les explique par contrastes , comme
la ruche ou le guêpier, comme l'éléphant et le rhinocéros, par alliance, comme le chien et le mouton,
comme le cochon et la truffe, comme l'âne, le chardon et le chardonneret. Enfin par progression , en
analysant des familles entières, comme celle des branchus, girafe, cerf, daim, chevreuil, renne, etc.
qui sont tous les hiéroglyphes des divers effets de la vérité; ensuite on compare trois familles de trois
règnes.'' p 230
Charles FOURIER, Théorie des Quatre mouvements et des destinées générales [Annexes à
l'Edition de 1808], Jean-Jacques PAUVERT, 1967 p 230. [Exemple de travail de
paragrammatisation chez Charles Fourier ].
30
'' Les civilisés [ l'humanité dans son état social actuel, inférieur pour Fourier, de celui à venir des
''harmoniens''] s'exerceraient vainement à expliquer des hiéroglyphes avant de connaître la théorie
interprétative; car il en est qui représentent des effets de passions non existantes, par exemple: Le
diamant et le cochon sont hiéroglyphes de la 13 ème passion (harmonisme) que les civilisés
n'éprouvent pas et ne connaissent pas. D'autres hiéroglyphes peignent des effets sociaux étrangers à
l'ordre civilisé, par exemple, l'éléphant est hiéroglyphe de la société primitive (sectes confuses).
C'était un état d'association où existait l'unité d'action industrielle figurée par la trompe. Cette unité
avait pour unique appui la bonne chère ou luxe de la bouche, aussi l'éléphant n'a-t-il de luxe qu'à la
bouche d'où sortent les défenses ou appuis en ivoire. Il est dans son vêtement le plus pauvre des
animaux, parce que les sectes confuses n'avaient aucune industrie manufacturière, et presque
aucune parure: c'est ce que Dieu a représenté en couvrant de boue l'animal hiéroglyphique, et lui
donnant un amour démesuré pour les ornements. " pp 230-231.
Charles FOURIER, Théorie des Quatre mouvements et des destinées générales [Annexes à
l'Edition de 1808], Jean-Jacques PAUVERT, 1967.
9
Michel Cartry, directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, section des sciences
religieuses, est ethnologue, spécialiste des populations gourmantchè du Burkina Faso,
10
Il n'y a pas de note 10.
11
Le nombre 129 égal à 3 fois “ 21∆ + 22 ” est divisible par 43. L'ensemble des 129 yeux dessinés
sur les 39 lames à yeux du Tarot de Marseille des éditions Grimaud se répartissent en deux sous-
ensembles sémantiquement pertinents qui sont multiples de 43. Il s'agit du sous-ensemble des 17
LAMES MINEURES A YEUX formé de 1 fois 43 yeux et du sous-ensemble des 22 LAMES
MAJEURES A YEUX formé de 2 fois 43 yeux. Il y a donc deux fois plus de yeux sur les 22 lames
majeures que sur les 56 lames mineures. Les 43 yeux placés sur les 17 LAMES MINEURES A
YEUX se répartissent en 39 yeux placés sur les 15 LAMES MINEURES A YEUX ET A PLAGE et en
4 yeux placés sur les 2 LAMES MINEURES A YEUX SANS PLAGE (Le valet de deniers et le 2 de
coupe).
12
Alors qu'à l'époque de Leibniz [ Leibniz, Mémoire de l'Académie des sciences, 1703], le calcul
binaire était pensé comme étant l'outil capable de retrouver le VRAI SENS (oublié) des figures
divinatoires utilisées par les anciens chinois, actuellement, dans une sorte de renversement étrange,
c'est aux techniques divinatoires des anciens chinois que le biologiste François JACOB fait référence
pour essayer d'éclairer, à l'intérieur d'une sorte d'emboîtement des mondes, les analogies formelles
que certains repèrent entre génétique et linguistique.
Texte de François JACOB:
'' C'est en 1943 que le vocabulaire de la linguistique a fait son apparition en biologie sous la plume de
(E. Schrödinger). Dans (What is Life ? ), il considère la fibre chromosomique comme l'équivalent
d'un "cristal apériodique" formé par la répétition et la permutation d'un petit nombre d'éléments de
base. (...). Avec l'oeil nouveau que leur donnait la théorie de l'information, les biologistes devaient
rapidement transformer leur manière de considérer l'hérédité. Et plus l'analyse progressait, plus le
modèle linguistique s'imposait. En quelques années, l'hérédité est devenue information, messages et
codes. Car l'image qui décrit au mieux notre savoir sur l'hérédité est bien celle d'un message
chimique; un message écrit, non pas avec des structures moléculiares complexes comme on l'avait
longtemps pensé, mais par la combinaison de quatre radicaux chimiques. Ces quatre unités sont
répétées par millions le long de la fibre chromosomique; elles sont combinées et permutées à l'infini
comme les lettres d'un alphabet le long d'un texte. De même qu'une phrase constitue un segment de
texte, de même un gène correspond à un segment de la fibre nucléique. Dans les deux cas, un
symbole isolé ne représente rien; seule la combinaison des signes prend un "sens". La traduction de
la séquence nucléique en séquence protéique est comparable à la traduction d'un message qui
arrive, chiffré en morse, mais ne prend sens qu'une fois traduit, en français, par exemple. Elle
s'effectue par l'intermédiaire d'un "code" qui donne l'équivalence des "signes" entre les deux
"alphabets", nucléiques et protéiques ."
31
"Le code génétique est aujourd'hui entièrement connu. Chaque unité protéique correspond à un
"triplet", c'est-à-dire une combinaison particulière de trois parmi les quatre unités nucléiques. Comme
il existe soixante-quatre combinaisons possibles de trois unités nucléiques, le "dictionnaire" génétique
contient soixante-quatre "mots". Trois de ces triplets assurent la "ponctuation", c'est-à-dire indique,
dans la chaîne nucléique, le début et la fin des "phrases" qui correspondent aux chaînes protéiques.
Comme le nombre de ces unités est limité à vingt, chacune d'elles répond à plusieurs triplets, à
plusieurs "synonymes" dans le dictionnaire, d'où une certaine souplesse dans l'écriture de l'hérédité.
Il apparaît enfin que tous les organismes, de la bactérie à l'homme, sont capables d'interpréter
correctement n'importe quel message génétique. Le code génétique semble universel et sa clef
connue de tout le monde vivant. "
" Comme l'a souligné R. Jakobson (Lettres Françaises, fév. 1968, pp 221-222], les analogies de
structure entre les deux systèmes d'information étudiés par les linguistes et les généticiens peuvent
même être poussées plus avant (..). La linguistique ne fournit-elle qu'un modèle à la génétique ou lui
est-elle plus étroitement apparentée ? (...) Roman Jakobson a toujours favorisé l'idée qu'entre les
deux systèmes une relation étroite est imposée par une sorte de filiation; de mon côté, je préférais
m'en tenir (...) à l'idée que des fonctions analogues imposent des contraintes analogues. Pour le
biologiste, il est difficile de voir comment la structure du langage humain aurait pu se modeler sur
celle de l'hérédité. Aucun mécanisme ne peut actuellement être envisagé qui permette à l'évolution
de copier dans un autre code l'agencement de celui sur lequel elle-même se fonde. Dans le
processus de décryptage génétique, le transfert de l'information s'effectue toujours en sens unique,
de l'acide nucléique vers la protéine. (...) aucune espèce moléculaire n'a les moyens de connaître le
système par quoi se détermine sa propre architecture. Il n'y a, dans la cellule, aucun constituant pour
"comprendre" le code dans son ensemble. (...). Le système paraît agencé pour maintenir le texte
génétique à l'abri de toute action concertée du milieu. Il n'existe aucun accès direct à la structure du
code génétique. Pour la retrouver, il faut passer par le long détour de la sélection naturelle, de ses
hasards, de ses échecs."
"Une fois le message génétique comparé à un texte écrit avec un alphabet, il est apparu logique
d'assimiler les mutations aux erreurs de copie qu'introduisent dans le texte le copiste ou l'imprimeur.
Comme un texte, en effet la spécificité génétique peut être modifiée par le changement d'un signe en
un autre, par la délétion ou l'addition d'un ou plusieurs signes, par la transposition de signes d'une
phrase à une autre, par l'inversion d'un groupe de signes, etc. (...). Peut-être n'est-il pas inutile de
rappeler ici la ressemblance du code génétique avec un vieux système symbolique décrit il y a près
de trois mille ans dans le livre chinois I ching [yijing], le livre des transformations. Cette analogie a
été soulignée par le musicien John Cage qui a fait l'usage de ce livre pour composer sa musique
stochastique. (...). (...) si l'on assimile convenablement chacun des quatre digrammes chinois ( le
vieux yang __ , le vieux yin _ _ , le jeune yang _ _ , le jeune yin ___ ) à l'une des quatre paires de
radicaux chimiques composant l'ADN, chaque hexagramme équivaut à l'un des triplets génétiques [
43= 64 ]. La structure de l'ordre "naturel" (précisé au cours de la période chinoise des SUNG ] se
trouve alors correspondre point par point à celle du code génétique. C'est peut-être I ching qu'il
faudrait étudier pour saisir les relations entre hérédité et langage."
François JACOB, "Le Modèle linguistique en biologie", Revue'' Critique'', n°322, Mars 1974. François
Jacob [Prix Nobel de Médecine, 1965], est auteur de " La logique du vivant ", Une histoire de
l'hérédité, Editions Gallimard, 1970. En juin 1987, j'ai communiqué à Ilya PRIGOGINE [Prix Nobel
de Chimie, 1977, co-auteur de " La Nouvelle Alliance", Métamorphose de la science, Editions
Gallimard, 1979 ], ce texte fort intéressant de François JACOB sur les relations d'analogie qu'il
pouvait y avoir entre Biologie et Langage.
13
TINTIN [ce rien] accompagné d'un chien (MILOU) [cette Cible] part pour le CONGO en 1930 en
commençant le cycle des aventures de Tintin qui seront reprises dans les 22 ALBUMS COULEURS
de 62 pages parus aux éditions CASTERMAN. Or, en 1930, à la même date, sort aux éditions
GRIMAUD la dernière facture ( celle proposée dans le choix de ses couleurs par Paul MARTEAU )
de “ L'Ancien Tarot de MARSEILLE ” ... où le MAT (ce fou) accompagné d'un chien ( une lame SANS
32
NOMBRE prise à l'intérieur d'un cycle de 22 lames à PLAGE NOMBRE) va parcourir, selon Antoine
COURT DE GEBELIN, le cycle complet des 77 étapes du jeu du Tarot ... Par delà les analogies
sémantiques évidentes qu'il y a entre les deux corpus et les deux oeuvres, avec l'année 1930 -qui
marque le début des aventures de Tintin au Congo et la fin des déplacements graphiques du Tarot de
Marseille- il n'y a pas qu'une simple similitude, mais une véritable continuïté historique. Il y a donc un
lien entre l'art du paragramme et un savoir scientifique qui peut se dégager avec précision dès qu'on
développe un dispositif conscient de paragrammatisation. Le travail de paragramme devient alors une
technique d'élucidation des symptômes et des effets de productions déterminés à l'intérieur de la
capture formelle -historique et sociale - de l'inconscient du “ corps parlant ” des sujets .
On pourrait se demander si la continuïté historique qui s'exprime entre les dates extrêmes des
factures du Tarot des éditions Grimaud (1848-1930) et les dates extrêmes des matériaux des
aventures de Tintin reprises dans le cycle des 22 albums en couleurs (1930-1976) ne pourrait pas
désigner une continuïté encore plus forte entre les deux Corpus des 78 lames du Tarot et des 22
albums d'Hergé/Casterman. Nous appellerons “PARAGRAMME DU PROLONGEMENT DU
TAROT ” la production d'un discours “ harcelant, insistant, etc. ” capable de montrer qu'une telle
continuïté est pertinente et qu'une telle prolongation est bien désignée dans le corpus d'Hergé.
L'INCONSCIENT EST CALCULATEUR.
“ Un paragramme mute le lieu et l'état du sujet expérimentateur du fait transformé dans sa valeur de
fait en tant que fait de langage. Lorsque les domaines d'étude sont “ durs ” les actes insistants
d'ajustements paragrammatiques peuvent développer des paragrammes grandioses (mythiques,
idéologiques, esthétiques, etc) qui ne modifient pas trop les domaines de faits. Par contre, ils font
muter les lieux du sujet du langage et désignent des cohérences sémantiques sur lesquelles s'
“ attractent ” les “domaines mous”. Les sciences exactes ont fonctionné dans leurs évolutions
historiques comme étant les cadres légitimes au travers desquels les actes d'ajustements
paragrammatiques particuliers (les paragrammes de rationalité) ont pu se développer dans toute leur
insistance sous la pression du mode de production capitaliste et des lois du marché. ”
Ch. Bertaux 1991, op. cit.
En déployant une insistance forcenée à comprendre, les “ sujets supposés savoir ”, en posture de
concurrence, sont conduits à transformer formellement tout fait, apparemment aléatoire et supposé
[raisonnablement] hors sens, en un fait mystifié, non aléatoire et surchargé de sens (même lorsque
ce sens est, à l'intérieur de la posture de maîtrise des sciences de la nature, secondairement vide de
tout sens). L'effort généralisé de paragrammatisation modifie alors le rapport qui s'est initialement
institué entre le sujet dans sa dimension d'appartenance sociale et le fait initial que le groupe social
se donne à penser (le germe du paragramme). Le travail généralisé de paragrammatisation, telle la
“ rage d'expression ” de Francis Ponge, transforme ainsi la sémantique des objets visés et donc la
perception que les sujets ont des choses. Il donne à l'intérieur du cadre de légitimité des groupes
sociaux, un sens à tout événement aléatoire pris à l'intérieur d'un corpus fini de données (corpus fixé
et sacralisé historiquement par la mort d'un écrivain et/ou par la production d'un éditeur).
Théorème 1: “ Tout corpus fini est paragrammatisable ” d'où l'importance interne au CHOIX
THEORIQUE de toute MODERNITE capable d'être ouvert à la générativité nouvelle de faits toujours
nouveaux ne se ramenant pas à un ensemble fini de données paragrammatisables par une
TRADITION. C'est parce que le monde contemporain est encore capable de produire des objets
nouveaux et de dévoiler des faits nouveaux avant que le travail de tissage des discours idéologiques
et des discours philosophiques ne viennent les réinclure dans le logos [LE PARAGRAMME] d'un
groupe culturel que le monde contemporain reste un monde moderne susceptible d'échapper à
l'enfermement discursif totalitaire d'une TRADITION.
Théorème 2: “ Tout corpus fini est chimérisable ” . Ce qui signifie qu'on peut toujours ajouter à un
corpus fini un autre corpus fini qui lui est totalement étranger et paragrammatiser l'ensemble ainsi
constitué jusqu'à arriver à produire un méga-paragramme capable de faire croire - dans l'effacement
33
des différences et de l'idée même de chimère- que les deux corpus étrangers sont étroitement liés
l'un à l'autre dans une intime et légitime symbiose. D'où l'importance critique d'une analyse des
ajustements toujours possibles entre l'HISTOIRE DE VIE d'un auteur aux savoirs enregistrables finis
sacralisés par la disparition de cet auteur (corpus pictural, corpus littéraire, corpus scientifique, etc,
mais aussi, texte révélés, textes traditionnels, Bibles, etc). et l'APPORT THEORIQUE scientifique ou
artistique effectif de cet auteur qui -en droit- n'a rien à voir avec la réalité de la vie de cet auteur.
CEPENDANT ...
Bien avant la disparition d'un auteur, l'attracteur qui se désigne dans la sémantique du ou des
paragrammes (en concurrence) (à découvrir) que présuppose l'achèvement inéluctable de son
oeuvre, ne pourrait-il pas influé sur les développements individuels de cet auteur avant même cet
achèvement ?
“ L'attracteur ” que présuppose le paragramme, en tant que ce dernier vise formellement (de façon
anticipative) une sémantique des formes [toujours possible] fonctionnant, à l'insu du sujet ou du
groupe de sujets producteur de ces formes, comme une cause finale, peut donc être pris au sérieux.
C'est ce que j'essayerai de montrer dans l'oeuvre d'Hergé.
On peut se demander effectivement si à un certain moment de son oeuvre, Hergé et ses
collaborateurs, n'ont pas été - consciemment et/ou inconsciemment- captifs de la “ voix du
paragramme ” en anticipant en quelque sorte - à leur insu- le résultat du travail de
paragrammatisation de leurs futurs lecteurs.
L'art du paragramme en tant qu'imitation d'un processus inconscient, en faisant appel à une
insistance signifiante générale (une rage de signifier, un vouloir décoder, un harcèlement à penser,
une obsession à organiser, etc) tend à aider à décrire et à comprendre - du côté des groupes
sociaux et des relais normatifs propres aux institutions - des procédures inconscientes de production
de formes qui, peu à peu, se sont organisées historiquement et socialement de façon implacable
dans la cohérence implicite et mortifère d'une ''anticipation interne'' au langage et à l'histoire des
groupes sociaux en question.
L'analogie désignée dans ce papier sur “ Les lames aux yeux ” entre les couvertures des albums
d'Hergé Casterman et les lames du Tarot de Marseille des éditions Grimaud est bien évidemment un
jeu. Je l'offre au lecteur tel que je l'ai “ joué ” moi-même en 1990 - comme une galéjade.
L'ajustement que manifeste ce paragramme est loin d'être “ démoniaque ”. Il n'est pas tout à fait
implacable. Il ne déclenche pas cette “ sorte de capture du sujet ” que produirait fatalement l'ordre
d'une répétition. Effectivement, si nous montrions que la structure d'ajustement entre les deux corpus
se répétait plusieurs fois ? Que se passerait-il ? Une fois c'est un heureux hasard; deux fois
c'est surprenant, presqu'impossible; trois fois “ le sujet bascule ” car c'est insupportable.
Sans l'ordre de la répétition, le travail de paragrammatisation est inachevé. Il laisse le sentiment -tout
à fait libérateur pour le sujet de la raison humaine- qu'il ne s'agit que d' “ une fois ”, c'est-à-dire que
d'un heureux hasard !
En faisant intervenir des structures de répétition, l'ajustement entre les deux corpus
Grimaud/Casterman peut devenir total. L'art du paragramme est de produire ce type d'ajustement
total, c'est-à-dire un homéomorphisme implacable ne laissant aucun répit au “ sujet libéral ” voué
quasi-mécaniquement dans la répétition à faire l'expérience du réengendrement du sens des
données d'une façon totalement déraisonnable... jusque dans les histoires de vie d'Antoine Court de
Gébelin (1725 -1784) et de Georges Remi dit Hergé (1907-1983) replacées l'une et l'autre à l'intérieur
de leurs cadres historiques respectifs liés, pour l'un, aux suites du mauvais deuil institutionnel de
Louis XIV, et, pour l'autre, aux conséquences de la mort de Lénine (qui se désigne
fantasmatiquement à partir du “ repoussoir ” de Tintin au pays des Soviets 1929/1930)..
34
C'est ce “ totalement déraisonnable ” qui nous interpelle épistémologiquement pour penser la force
consensuelle mi-consciente mi-inconsciente des “ courants sociaux ” et des “ changements sociaux ”.
Paris, Les Mesnuls, 1991